La Révolution Française dans le Forez
Conférence de Michel DEPEYRE
mercredi 6 décembre 2017
par FORAISON Christiane

Le 09 novembre 2017, Michel DEPEYRE, Maître de conférences en histoire moderne et contemporaine, a fait partager un agréable moment aux participants en expliquant de manière très vivante les évènements qui se sont passés dans le Forez dans cette période particulièrement difficile de son histoire. Ses conférences sont toujours d’une grande qualité.




Introduction

A la veille de la Révolution, le Forez est un petit pays très tranquille qui ne pose pas trop de grandes difficultés. Il fait partie de la Généralité de Lyon pour l’administration et la religion.


Après la prise de la Bastille, le Forez connaîtra aussi des épisodes tumultueux et même très violents mais inférieurs à d’autre régions. Dans la nouvelle structure, le département de La Loire devient une circonscription à part entière. C’est à JAVOGUES que l’on doit l’origine, la naissance du département en 1793.

Une province à la recherche de son autonomie

Le Forez n’est pas très connu. En 1789, il compte environ 200 000 habitants pour 26 millions en France. La ville principale de la Généralité est Lyon. Les principales villes de la Circonscription de la Loire sont St-Etienne, Montbrison et Roanne. Il existe une différence entre les campagnes et les villes. La ville de St-Etienne est la plus peuplée avec 28.140 habitants, puis Roanne environ 7.400, Montbrison environ 4.400, St-Chamond 4.200, Feurs 2.200. Les populations rurales sont bien représentées. François TOMAS, géographe, signale l’opposition plutôt plaine-montagne.


La plaine étant particulièrement pauvre, une petite noblesse éclairée entreprend le drainage en vue de sa fertilisation. Dans les Monts du Forez, il y a un surplus d’hommes dans la montagne. L’activité économique est très dynamique avec l’élevage et la production de fromages. Le dynamisme vient donc de la montagne. Dans l’espace rural, commence une activité pré-industrielle : chapellerie, serrurerie, toile de chanvre.


Dans la région de St-Etienne, l’activité pré-industrielle est la plus importante :

  • Charbon de terre : des fendues, petites compagnies tenues parfois par de grands seigneurs.
  • Armes : par un privilège royal, la manufacture organisée (regroupement d’artisans) tient une place importante dans la vente. Mais vers 1780, la crise entraîne une situation détériorée.
  • Le textile : la rubanerie.

La Révolution éclate après deux ans de tensions. La monarchie est ruinée. Les Etats Généraux sont convoqués à Versailles le 24 janvier 1789. Une élection de représentants, les députés, est organisée. La réunion a lieu le 05 mai 1789.


L’organisation pour le Forez se fait au chef-lieu de bailliage à Montbrison. Le Tiers Etat est représenté par le Marquis de Rostaing, la noblesse par le Comte de Grézolles et le clergé par le curé de Roanne et celui de St-Cyr-les-Vignes.

Ce qui est étonnant, c’est qu’il n’y a pas de représentant pour St-Etienne, par rapport à la réalité du terrain. Les protestations vont jusqu’à Versailles mais c’est un échec.


Les cahiers de doléances sont rédigés. Les députés se réunissent à Versailles.

Les évènements du 14 juillet 1789 sont connus à la fin du mois de juillet à St-Etienne. Le Te-Deum célébré à la Grand’ Eglise, ce qui est étonnant, est ressenti comme un épisode fondateur. La grande peur : un regroupement de la population « en émotion » (rumeurs, peur, complot…) se fait place Chavanelle près de la Manufacture d’armes. Des jeunes gens un peu aisés dont PRAIRE-ROYET, vont vérifier ce qui se passe réellement. Des épisodes irrationnels, destructions de documents, de terriers… inquiètent.

En 1790, à Paris, les départements sont créés. L’idée était déjà apparue vers 1780. Les projets de 83 départements sont mis en application. Les Stéphanois sont toujours dans la dépendance de Lyon mais des troubles vont complètement perturber cette organisation.

A partir de mai 1793, la Crise Fédéraliste éclate. Les Lyonnais se soulèvent contre la Convention. Paris déchaine la foudre contre cette révolte et coupe le département Rhône et Loire en deux. JAVOGUES met en œuvre cette partition. Feurs devient le chef-lieu de La Loire. Montbrison lié à la révolte lyonnaise n’est pas choisie. Les Stéphanois ne sont pas très contents du choix de ce chef-lieu. Le département de La Loire est fondé le 19 novembre 1793.

La Loire sous le gouvernement révolutionnaire

A partir du 20 avril 1792, la France à affaire à des coalitions étrangères. Cela entraine des mesures autoritaires et à partir de juin 1793 va régner « La Grande Terreur » avec ROBESPIERRE et les Comités de Salut Public.


JAVOGUES, né en 1759 dans une famille de la petite bourgeoisie est juriste, clerc du procureur et huissier à Montbrison. Le ressentiment et le mépris qu’il inspire auprès de la bonne société de Montbrison à son égard, lui crée une profonde frustration et un sentiment de haine à l’encontre de cette société. Il est élu député à la Convention en 1792. Il siège sur les bancs de « La Montagne » avec les plus virulents, les Enragés, le Club des Jacobins.

Il votera la mort du Roi le 21 janvier 1793.

La porte de sa maison a été barbouillée de sang par dénonciation du régicide. Il était probablement un obsédé sexuel. Il était dans la provocation permanente dans la volonté de choquer.

Il est envoyé le 20 juillet 1793 par la Convention à Montbrison comme représentant en mission pour reprendre la politique du Forez. La politique de déchristianisation est très importante et la répression massive se fait tous azimuts. En automne 1793, on assiste à une montée en puissance de cette politique. La Loire est un modèle de la Terreur, selon l’historien Collin LUCAS. Entre avril et le 14 décembre, c’est le moment le plus intense : 481 condamnations à mort dont 466 seront effectives. La guillotine est à Feurs.

Mais ça ne plaît pas à la Convention : JAVOGUES est rappelé et il comparaît devant une commission parce qu’il fait trop de zèle. Il est blanchi.

Il est pris dans un complot en 1795 sous le Directoire, arrêté en 1796 et exécuté en 1797.


La méfiance de JAVOGUES à l’égard des foréziens s’explique : Il y a des éléments contre-révolutionnaires. Des poches d’opposition existent dans la zone de St-Galmier, St-Médard, Chevrières (surnommée de façon un peu exagérée « La petite Vendée »), le curé François JACQUEMOND, le jansénisme forézien (l’homme doit souffrir), les prêtres réfractaires. Il y a aussi des adeptes à St-Cyr-les-Vignes.

Des troupes sont envoyées par le Directoire. L’une d’entre elles est attaquée dans les bois de Meylieu en 1798.

L’année 1799 est plus calme.

Dans les villes règne l’incompréhension des populations. Les informations arrivent embrouillées et décalées dans le temps. JOHANNOT, papetier et maire de St-Etienne, mobilise les énergies pour la politique de la Convention. St-Etienne a les armes. C’est un moment important.


Le décret du 23 août 1793 détermine la mobilisation économique avec les réquisitions des provisions et la fabrication des armes. Deux forces s’opposent : les Républicains et les Anti-révolutionnaires.

La Loire dans la crise fédéraliste

A Paris est le cœur de toute la vie. Les Brissotins ou Girondins veulent que le reste de la France soit plus représenté et ait une plus grande autonomie.


Dans les régions, des coalitions hétéroclites se forment notamment à Lyon contre la municipalité CHALIER.

Après juin 1793, la dynamique des Lyonnais se renforce.


St-Etienne avec le maire PRAIRE-ROYET donne un accueil favorable au fédéralisme. Montbrison se rallie à cette coalition mais dans un esprit plus contre-révolutionnaire.

Le 7 juillet puis le 12 juillet 1793 les Lyonnais viennent à St-Etienne pour chercher des armes. 10 000 fusils sont pris.


La convention estime que ce n’est pas supportable et le 23 août le général KELLERMANN fait le siège de Lyon. PRAIRE-ROYET quitte St-Etienne et se réfugie à Montbrison. KELLERMANN reconquiert Rive-de-Gier et St-Etienne. Montbrison est à la tête de la contre-révolution. C’est à la suite de ces événements que JAVOGUES est envoyé en mission. FOUCHÉ et COLLOT-D’HERBOIS sont envoyés à Lyon. La répression est extrêmement brutale : place des Terreaux à Lyon on exécute avec des fusillades au canon. PRAIRE-ROYET se replie encore mais il est repris et exécuté en décembre 1793. JAVOGUES applique aussi la répression et Montbrison devient « Montbrisé ». Les Montbrisonnais sont humiliés parce que c’est Boën qui devient chef-lieu de district à la place de Montbrison.

Conclusion


Une « Chapelle des Martyrs » est érigée à Feurs en 1826 en souvenir des 80 exécutions.

Le département de la Loire était plutôt attentiste : révolutionnaire ou contre-révolutionnaire, oui, mais sans plus.