Le 13.03.2016 au Centre Coligny à St-Etienne, 25 personnes ont assisté à cette conférence particulièrement intéressante.
Michel DEPEYRE a beaucoup travaillé pour présenter cette conférence avec Monique LUIRARD qui a fait une thèse sur le sujet et qui est aujourd’hui décédée.
L’hôtel de ville de St-Étienne entre les deux guerres avec son dôme détruit pendant les années cinquante.
Toutes les villes sont différentes pendant la guerre et chacune a sa spécificité.
St-Étienne, avant la guerre, était une grande ville avec environ 508 000 habitants dans l’agglomération stéphanoise dont 214 000 pour la ville. Elle est densément peuplée : 169 habitants au km²). Elle a un grand nombre d’ouvriers qui produit. C’est une des seules villes qui présente toutes les strates de l’industrialisation dans le temps.
C’est une des premières villes charbonnières de France qui a été renforcée pendant la 1ère Guerre Mondiale. L’armement, le textile avec les rubans mais aussi d’autres textiles, le cycle font aussi partie de ses activités.
En tant que grande ville, elle représente donc un danger pour les pouvoirs politiques.
C’est une ville noire par son industrie et rouge politiquement.
En 1939, une intuition fait pressentir que des problèmes sont en train de naître à nos frontières. L’armistice du 22/06/1940 est une surprise et une gifle prodigieuse. C’est un gros traumatisme : cela ne s’était pas produit depuis la Guerre de Cent Ans !
Ces cinq semaines de guerre sont une défaite militaire, une défaite politique et une défaite morale. Tout s’est effondré et les Stéphanois sont assommés.
Le 23/06/1940, la Wehrmacht entre à St-Étienne. C’est une surprise mais surtout un traumatisme colossal.
L’armistice est très léonin en faveur de l’Allemagne.
La France est partagée en deux zones :
St-Étienne est une grande ville de ce régime et au cœur des évènements par son complexe militaro-industriel qui est important dans la préparation et dans l’armement. Cela aurait dû être achevé vers juin 1940 mais c’était trop tard.
A St-Étienne, c’est une refonte totale de la vie politique et publique. Louis SOULIÉ est remplacé par Ferdinand FAURE. La majorité est de centre gauche mais se fragmente. Le PC est interdit par l’état. Les tensions font que des députés et des conseillers sont exclus de la majorité en janvier 1940.
Puis Amédée GUYOT est nommé par délégation par le régime de Vichy. Cette ville attire l’attention.
Lors de la 1ère visite du Maréchal PÉTAIN le 01/03/1941 à St-Etienne, les enfants l’acclament entre la Place de l’Hôtel-de-Ville et la Préfecture. Il est reçu par Amédée GUYOT. Il est venu pour proclamer la Charte du Travail qui implique de revoir les rapports sociaux notamment pour remplacer les syndicats par les corporations et la guerre des classes par la coopération.
Suite au débarquement en Afrique du Nord, la Wermacht entre en zone sud le 11/11/1942.
Le Grand Hôtel devient le siège de la Kommandantur. Les photos d’époque étant interdites, la photo est une photo actuelle. Environ 300 hommes, au début, s’installent dans les trois grandes casernes de St-Étienne.
Autour du quartier de l’actuelle avenue de la Libération, de nombreux hôtels sont occupés par les services allemands. Les Allemands utilisent aussi les cinémas.
A partir de février 1942, s’installent des services de police allemands :
- La Gestapo : 12 personnes dans le Nouvel Hôtel près de la gare de Châteaucreux.
- Le Service de Sécurité du Parti Nazi (SDAP).
- Le contre-espionnage.
- La Feld-gendarmerie.
Cette 2ème occupation est très différente de la 1ère. Elle marque la population à cause de la terreur nazie.
Des nouvelles conditions s’installent : couvre-feu, panneaux indicateurs en Allemand… Elle est très dense avec du « vert-de-gris ».
En mars 1943, environ 300 personnes que comptent des troupes au repos ou des blessés, viennent à St-Étienne.
St-Étienne a été marqué par deux périodes entre 1940 et 1942, les allemands sont absents mais les ordres transmis et les prélèvements transitent par le Régime de vichy.
Après 1942, l’occupant est présent avec un système de répression, avec la fiction d’une souveraineté nationale qui n’existe plus.
La Collaboration économique est instaurée par de très gros prélevements directs par les Allemands de produits agricoles, de charbon, de meubles, de bicyclettes, d’armes (blindages de St-Chamond, armes de St-Etienne, manufacture de Mimard), de textiles (bandages…).
St-Étienne devient le siège du service de prélèvements métallurgiques et sidérurgiques de toute la France.
La réaction des Stéphanois : c’est « noir », « blanc » mais surtout « gris ». Les Stéphanois sont peu intéressés par la Collaboration.
St-Étienne ne collabore pas avec beaucoup d’enthousiasme mais collabore au Service du Travail Obligatoire (STO) par obligation.
Elle comporte de multiples facettes. Dès 1941, une attitude d’opposition se met en place par des tracts. Des petits groupes se constituent. La Résistance s’installe dans St-Étienne
Les spécificités de St-Étienne :
- C’est le 1er pôle d’impression dans la presse clandestine dans l’ex-zone libre (Les Coqs Gaulois…)
- Centre du renseignement : Les réseaux communiquent les informations par radio ou par des canaux clandestins.
- Relais pour les réfugiés : accueil, hébergement, puis orientation vers la Haute-Loire.
- L’activité industrielle : entre le 09 et le 19/11/1943 la CGT organise une grève des mineurs. Le préfet a essayé d’éviter la répression par les Allemands. Les sabotages dans les usines ou la mine sont dangereux en raison de la présence de contrôleurs. Le 19/03/1943 l’attentat contre le mess des officiers de la Richelandière entraine des prises d’otages.
La Résistance Armée ne se manifeste pas trop à St-Étienne mais elle essaye de constituer l’Armée Secrète le 03/02/1943, rue Basse-des-Rives, par une réunion. Sur dénonciation, la Gestapo débarque et décapite cette tentative. Des déportations en résultent. Elle est détruite pour plusieurs mois et ne se remettra en route qu’en octobre 1943.
Le Commandant MAREY qui est plutôt à droite (AS) et Théo VIAL-MASSAT qui est plutôt à gauche (FTP) sont les principales figures de la Résistance.
Les réseaux se constituent par les entreprises, les syndicats, les partis, les Francs-Maçons…
En février 1943, la Résistance grossit par le STO : le Maquis. A la fin de 1943, seulement 1/5 des réquisitionnés se rendent au STO.
A St-Étienne des affectés spéciaux, par exemple ceux qui travaillent dans les mines, ne partent pas.
Une grande partie de la population de St-Étienne ne prend pas partie. Beaucoup sont dans l’attentisme.
L’image héroïque de la Résistance doit être nuancée. On la disait majoritairement composée d’hommes entre 40 et 50 ans, mais en réalité, beaucoup de jeunes gens et des femmes (Elise GERVAIS, Violette MAURICE…) de toutes catégories sociales s’y engagent. Il en va de même pour la Collaboration.
La désorganisation initiale, mais arrangée rapidement par le Régime de Vichy, est la cause de la mise en place de bons de ravitaillement.
On a peu de renseignements concernant le « marché noir » qui s’organise pour l’approvisionnement en nourriture. Les prix augmentant de plus en plus dans St-Étienne et ses environs, les Stéphanois sont obligés d’aller de plus en plus loin. Le « marché noir » est important aussi pour le textile et le chauffage, les hivers d’alors étant particulièrement rigoureux.
La vie est gênée par l’Occupant mais elle est très intense notamment dans le domaine culturel. Les cinémas sont bondés, avec beaucoup de films d’idéologie ou de divertissement. La propagande du Régime de Vichy pour promouvoir les activités intellectuelles et la culture française permet la mise en place du Festival MASSENET.
Le train de la « Quinzaine de l’Empire » connaît un succès prodigieux.
Les bals sont interdits pour des raisons de moralité mais il en existe des clandestins dans les environs.
La censure se fait surtout sur le courrier. La répression se porte à partir du 13/08/1940 sur les Francs-Maçons, les communistes et syndicalistes. Elle se porte aussi sur les Juifs avec leur statut du 03/10/1940 qui les met à l’écart de la vie courante et professionnelle. En 1941, d’autres lois seront encore plus dures pour eux. En zone sud, ils ne sont pas obligés de porter l’étoile jaune mais des persécutions ont lieu. A St-Étienne il y a environ une centaine de familles juives mais ce nombre est grossi par l’arrivée de familles de l’Alsace-Lorraine réfugiés à St-Étienne et en provenance d’Allemagne. La répression a lieu surtout à partir de 1942 : le 26/08/1942, des rafles conduisent une partie de cette population âgée de 1 mois à 94 ans à Lyon puis à Drancy pour être envoyée dans les camps d’extermination. Il y a de l’antisémitisme à St-Étienne d’où les dénonciations mais aussi parfois une protection des enfants juifs.
Le bombardement de Châteaucreux le 26/05/1944 a lieu en même temps que deux autres bombardements à Chambéry et Lyon. Les avions sont partis du sud de l’Italie et se sont séparés à partir de Givors.
Les Américains veulent bombarder St-Étienne parce que cela représente un complexe militaro-industriel mais aussi pour détruire les voies de communications, surtout les voies de chemin de fer. De cette façon, ils comptent empêcher les Allemands de remonter du sud vers le nord, la ligne de St-Étienne-Le Puy étant stratégique.
D’après les rapports américains consultés, il n’y avait pas de bombes incendiaires mais des incendies provoqués par des fuites de gaz. Environ 200 habitations ont été détruites, le nombre de réfugiés était d’environ 21 000 et le nombre de morts de 800 mais en réalité, il était d’environ 1000. Le bilan qualitatif est différent selon les intéressés. Pour les Stéphanois, c’est un échec. Pour les Américains, il y a eu très peu de bombes aléatoires. Le chemin de fer était visé, c’est une réussite. Pour le Régime de Vichy, c’est un échec.
Un seul Allemand est tué parce que les Allemands ont l’habitude des alertes et vont dans les abris alors que les Stéphanois n’ont pas écouté les conseils de la Défense Passive. Le bombardement du Jardin des Plantes sert à finir de lâcher les bombes.
L’impact psychologique est désastreux.
Le régime de Vichy l’exploite : le Maréchal PÉTAIN vient à St-Étienne le 06/06/1944 pour commémorer l’évènement et le Cardinal GERLIER de Lyon pour célébrer les enterrements en grandes pompes.
Cela a créé un antiaméricanisme qui a perduré. Dans les années 1980, la Tribune publie le même article, en disant que St-Étienne a été bombardé par les Allemands !!
Le 19/08/1944, les Allemands quittent St-Étienne de leur plein gré.
Du19 au 24/08/1944, il n’y a plus aucune autorité à St-Étienne.
Le 24/08/1945, les Résistants arrivent à St-Étienne. Le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) présidé par le général DE GAULLE nomme un préfet communiste. La municipalité avec Henri MULLER se reconstitue et la vie reprend doucement son cours.
Une épuration sauvage a lieu mais très rapide. Des femmes sont tondues et un homme aussi, le seul cas en France ! Il y a peu d’exécutions de gestapistes. Les nombreuses peines de prison seront amnistiées dans les années cinquante.
La reconstruction est importante après la guerre.
La conférence s’est poursuivie par des questions sur le bombardement et sur les souvenirs pas toujours exacts qui pouvaient en résulter à cause du post-trauma. Michel DEPEYRE a terminé en racontant quelques anecdotes.